The Perch

Rencontres Nocturnes : Je suis en colère contre mon cerveau.


AVERTISSEMENT DE CONTENU !

Mention d'agressions physiques et sexuelles.


J'ai passé un week-end en compagnie d'une amie. Hier soir, au moment de rentrer, j'ai décidé de la raccompagner jusque-là où elle habite. Bien sûr, vu qu'il était très tard la nuit, plus le moindre transport en commun donc, j'ai décidé de la raccompagner à pied et à ceux, jusqu'au bout.

Après quoi, j'avais de nouveau environ une quarantaine de minutes de marches pour rentrer chez moi. Ce n'est pas grave pour moi. Je connais mon chemin. J'ai juste une relation étrange avec la nuit.

J'adore la nuit. Il fait sombre, il y a moins de bruit et moins monde. Ça apaise mes yeux, ça me calme, c'est relaxant.

Je déteste la nuit. Il fait sombre, il y a moins de bruit et moins monde. Ça met mes sens en alerte, ça me tend, c'est effrayant.

Dans Bordeaux, après une certaine heure nocturne, j'ai le choix entre deux options : rester sur les axes principaux qui eux, sont éclairés, ou prendre des ruelles qui ne sont plus éclairées. Les deux sont à double tranchant, parce que d'un côté je vois mieux, mais ça veut dire que je suis plus visible à de potentiel menaces. De l'autre côté, je suis plus invisible, mais les potentiel menaces le sont aussi.

Quels potentiel menaces ? Les hommes.

Depuis que je me présente socialement en femme, je ne peux plus sortir deux heures sans avoir droit à au moins un regard trop insistant d'un gars. Même moi, j'ai l'impression d'exagérer quand je dis ça, mais vraiment, c'est là.

La nuit d'avant, j'étais avec une amie dans un espace très publique et... c'était l'enfer.

C'était constant, les regards des hommes, les commentaires, les avances, ça n'arrêtait jamais et c'était extrêmement angoissant. Genre, vraiment, ça ne s'arrêtais juste pas. En quinze minutes, dans un lieu pas mal fréquenté, j'ai eu plusieurs commentaires, on a eu multiples regards et un mec qui nous à carrément littéralement tourner au tour à vélo comme un putain de vautour après m'avoir fait une avance quand je l'ai accidentellement croisés du regard et qui s'est posés plus loin pour tenter de nous intercepter de la manière la moins subtile du monde.

C'était particulièrement horrible ce soir-là. Mais en écrivant ça, je me rends compte que le cas de "un mec me tourne littéralement au tour comme un putain de vautour", ça m'est arrivé trois fois en l'espace d'un mois. Dont deux fois à vélo d'ailleurs.

Une fois, je quitte cette même amie à un tram, et même pas deux minutes après, je remarque ce gars et là, putain, j'ai fait une grosse erreur : J'ai croisé son regard. Et à partir de là, je l'ai vu passée dans mon champ de vision quatre ou cinq fois jusqu'à ce qu'enfin, il décide de s'approcher de moi. Ça sonne presque mignon, hein ? Genre un mec me trouve joli et n'ose pas m'approcher, il hésite, le fais de manière un peu flippante, mais c'est juste mignon...

Sauf qu'éventuellement, il a enfin pris son courage à deux mains, s'est mis devant moi et m'a demandé si j'étais une femme (<.<), avant de me demander si je voulais lui, je cite ses mots : "sucer les couilles". Sur le coup, ma réponse, c'était un truc genre : "...pardon ?" et il à insisté. Je lui ai dit non et il a insisté sur genre : "T'es sûre ?"

Et ce n'était pas sur un ton de blague, hein ? Non, il était ultra sérieux et je n'arrive pas à croire qu'il a réussi à s'auto convaincre que ça allait marcher. Il avait l'air choqué quand je lui ai dit non. Bah non batard, tes phéromones de mâle en chien qui pue l'alcool n'ont bizarrement pas était assez pour remplir mon sous-vêtement de liquide pré-éjaculatoire infusé d'œstrogène. Connard.

L'autre fois où un mec m'a tournée au tour, c'était il y a genre, moins d'une semaine. Un gars qui as quand même tentais de me parler quatre à cinq fois et malgré tout les putains de regards que je lui ai envoyés en mode "ne me parle pas" et le fais que j'ai continué de marcher, il a quand même insistés. "Ça va ?" qu'il me demandait.

Putain, c'est toujours un "ça va ?" avec ces gars. Le mec à vélo de l'autre soir, lui aussi, c'était un "ça va ?" C'est toujours le même truc. J'entends que tu commences déjà à bander alors que tu m'as juste dit deux mots. Parce que c'est bien sûr, ce n'est pas le "ça va ?" de compassion que tu demanderais à quelqu'un que tu vois en train de pleurer, non, c'est le "ça va ?" de "je veux taper la discute", sauf que je sais que y a pas que la discute que tu veux te taper, mais même avec 20 000 balles, ton "ça va", ça ne suffit pas, offre moi des fleurs, j'en sais rien putain, j'ai des standards, grosse merde !

Donc, un "ça va ?", je me tourne, car je crois qu'on m'a parlé. Et je vois ce type-là, assis avec son collègue, à moitié avachi qui me révulse à la seconde où je pose les yeux sur lui. Je me retourne en soupirant. "Ça va ?" une fois dans mon dos. Une deuxième fois. Trois fois. Quatre fois. Cinq fois ! Mais frère ! Par pitié !

Je me barre, je vais me poser dans une rue plus loin, et j'envoie un message dans un group chat avec mon amie et ma partenaire où je leur parle de ça pour me déstresser de la situation... et là, la putain de sa mère qui je vois arriver sur son vélo ? LE MÊME GARS QUI ME REDEMANDE, "çA vAaaA ?"

MAIS PUTAIN T'A PAS UNE SŒUR, UNE MÈRE, QUELQU'UN ?! UNE SEULE MEUF DANS TA VIE SUR QUI TU PEUX TE RÉFÉRENCER POUR TE DIRE QU'AU BOUT DE SIX À SEPT FOIS, À UNE MEUF QUI T'A DÉJÀ REGARDER D'UN AIR FERME ET QUI À ACCÉLÉRER LE PAS À CHAQUE FOIS QU'ELLE T'A ENTENDU, ÇA VEUT DIRE QU'AU BOUT D'UN MOMENT, VA PEUT-ÊTRE FALLOIR SONGER À NIQUER TON PÈRE ?! MAIS VA TE BRANLER, JE T'EN SUPPLIE !

Putain, ce n'est pas étonnant qu'on se retrouve avec des problèmes de natalité quand vous êtes tous autant inbaisables putain !

Mais bref, pour revenir à hier soir.

Je rentre, et je continue de parler avec mon amie par message. Je n'écoute pas de musique, je marche dans le silence, ce que je ne fais pas d'habitude, mais j'avoue que le son de mes propres pas m'apaise beaucoup. J'ai eu une soirée émotionnellement très chargée.

Je marche et soudainement, je croise quelqu'un. C'est une femme, avec son chien et là, j'ai ce truc qui monte en moi qui suis affreux et qui me rends ultra dysphorique. J'ai peur qu'elle me perçoive comme un homme et que je lui fasse peur. Alors que je viens de me rappeler que cinq minutes avant, j'ai une femme qui est venue me demander si je n'avais pas une cigarette.

Non. Je ne fume pas. Elle me sourit et me dit "ce n'est pas grave, merci quand même, belle soirée" et putain, c'est la première fois de ma vie que je me sens autant en sécurité quand on me demande une clope parce que c'est la première fois que c'est juste une meuf "normale" dans la rue. C'est que des mecs d'habitude et quand ce sont des femmes, elles sont alcoolisées ou clairement sous influence... et j'ai très peur des gens alcoolisées ou sous influence de stupéfiants pour tout un autre tas de raison dont je ne parlerai pas ici. Force à elleux bien sûr, je sais que ce n'est pas facile, mais ouais.

M'enfin, voilà, il ne se passe rien avec cette meuf bien sûr, probablement parce qu'elle m'a juste vue comme une autre femme. J'ai remarqué qu'elle m'a regardé bizarrement, mais ce n'était rien de fou, je crois que c'était juste un "Meuf, c'est bientôt 3h du mat, tu es perdu ?"

Donc, je continue ma marche et la, genre sept ou huit minutes après, de l'autre côté de la rue que, en rétrospective, dieu merci, j'ai traversé avant Et là, j'entends un sifflement, je regarde au tour de moi parce que j'ai entendu un bruit et je tombe sur ce gars et là... "ça va ?"

...crève.

Je continue de marcher. Sauf que j'entends des "ça va ?" et des sifflements, encore et encore. Je me retourne, il me fixe de l'autre côté de la rue. Et à chaque fois que je me retourne, je lui confirme qu'il capte mon attention... sauf que ne pas me retourner, c'est ne pas avoir conscience de sa position actuelle.

Se faire siffler, c'est affreux, mais à plusieurs reprises comme ça ? Surtout que ce n'est pas juste un sifflement. Genre, mon père était chasseur, je l'ai entendu siffler des chiens. Et il m'a déjà sifflé moi aussi pour avoir mon attention. Bon, déjà, je ne suis pas ton clébard donc tu ne me siffle pas, mais peu importe, quand il me sifflait moi, il le faisait d'une façon très différente.

Et là, ce fils de chien était en train de me faire siffler comme si je suis sa chienne. C'est humiliant, affreusement déshumanisant et le mec ne me lâche pas. J'ai très envie de l'insulté de tous les noms sauf que déjà, ce serait méga dangereux en tant que femme, mais en plus de ça, je ne sais pas comment ma voix sonnerai si je faisais ça et si jamais ce mec à soudainement l'impression d'être en train de bander sur ce qu'il percevrai comme "un mec", parce que les mecs comme ça, quelque chose me dis qu'ils sont pas très trans inclusif.... bref.

La rue est super longue, je n'ai nulle part ou aller et je me dis "Il va traverser la rue et me rejoindre", et je commence à paniquer. Je vois l'angle de la rue et je me dis : est-ce que je cours ? Sauf que dans ma tête, si je me mets à courir là, dans son champ de vision, je me mets en danger. Donc, prochain coin de rue, je me barre en courant et je vais me cacher sur les rues plus hautes qui sont plus sombres et que je connais.

Mais avant que je puisse faire ça, silence. Je me retourne et je vois qu'il est parti. Sauf qu'il n'a pas lâché. Je me retourne plusieurs fois et à chaque fois que je me tourne, lui est aussi à la tête tournée en train de me regarder. Je continue d'avancer. Je me retourne et là, je prends peur parce que je ne le vois juste plus. Je m'arrête et je fixe, me demandant s'il a traversé, ou est-ce qu'il est. Et là, je vois sa silhouette au loin, il a vraiment lâché l'affaire.

Je reprends mon téléphone, je parle à mon amie et je lui confie tous mes sentiments. Je ne me sens vraiment pas bien, je suis autant éffayé qu'en colère.

Je lui dis par messages [de base, envoyer en anglais, traduis et corriger pour le blog. Également, ses réponses ont était retirés.] :

"Se faire siffler, c'est vraiment humiliant. Surtout quand il recommence encore et encore. C'est humiliant, c'est déshumanisant, c'est horrible.

Putain, je déteste les hommes et je sais, "oh, il ne faut pas prendre une pomme pourrie pour juger l'arbre blablabla, mais putain il y a quand même beaucoup de pommes pourries sur cet arbre !

Je veux dire, putain, je n'ai jamais été sifflé ou harcelé ou craint d'être agressé par une femme dans la rue.

J'ai ce putain de mythe transphobe sur le conditionnement social aussi. Comme quoi, en gros, parce que j'ai été élevé comme un garçon, c'est aussi en moi. Que je suis comme ça. Je suis comme eux.

Je ne suis pas comme eux. Putain, je n'ai rien à voir avec ça.

Et malgré ce que mon cerveau me dit, je ne le suis pas.

Je regarde par-dessus mon épaule quand je marche, c'est dingue. Et au fait, [nom d'un lieu spécifique supprimé], avec ces lumières de détecteur de mouvement, vous ne faites qu'empirer les choses pour moi.

J'ai vraiment choisi cet endroit parce que c'est plus haut, ce n'est pas la rue principale et c'est plus sombre, et à chaque fois que vous braquez votre lumière sur moi, vous me rendez visible et vous me faites me sentir incroyablement vulnérable et en danger, je vous hais pour ce design de merde.

Je suis désolée d'être parti dans une tirade. Je suis juste stressée."

Presque chez moi.

Je me concentre parce que je suis dans une zone où j'ai déjà eu des problèmes par le passé. Pré-transition, en 2022, moi et ma petite gueule de femboy, je me faites insulter à plusieurs reprises d'affilés et menacés du regard par deux mecs parce que j'avais fait l'erreur de porté un hoodie rose ce jour-là, j'ai donc eu droit de me faire traité de "salle pédés" à plusieurs reprises par deux gars qui me fixait. Un autre cas, ou encore une fois, être de l'autre côté de la rue m'a probablement sauver d'une intéraction potentiellement bien plus douloureuse.

À chaque fois que je repasse ici, je repense à ça maintenant.

Donc, je marche, je me concentre, mais c'est une zone ou y a des bâtiments un peu partout et donc, beaucoup d'angle mort et en effet, ça a été problématique.

⋅ RAPPEL : avertissement de contenu ⋅

Soudainement, je suis face à deux mecs qui marchent ensemble et étant déjà méga en stresse, je me retrouve face à ces deux gars et là, mon cerveau m'abandonne.

C'est fini. Je n'ai même pas le temps d'identifier les deux individus comme des hommes que je sens déjà tous mes muscles se contracter, parce qu'ils sont vraiment sortis de nulle part moi. Et mon cerveau me laisse tomber. Il me crache des images d'eux qui tentent de m'arracher mes vêtements, je m'entends crier dans ma tête, et il me dit "tu vas te faire violer ou tu vas te faire tuer, peut-être les deux, ils sont à trois mètres de toi, tu ne peux rien faire" et pendant les trente prochaines secondes, je dissocie.

J'ai un mini black out juste là. Je ne sais pas si je me suis arrêté tétanisés devant eux ou si j'ai juste continué à marcher dans le vide. Je reviens à moi, je me retourne... et rien.

C'étaient juste deux mecs qui étaient là. Ils m'ont regardée, je crois, mais je crois que c'était vraiment un regard en mode "oh, quelqu'un" et c'est tout. Il ne s'est absolument rien passé.

Je n'arrête pas d'y penser depuis hier. Ça m'a empêché de dormir.

Je m'attends à pleurer, à fondre en larmes, à ce que la pression retombe ou explose, mais ça ne vient pas, je reste coincé dans le moment à attendre qu'il m'arrive quelque chose et ça ne vient juste pas.

Je ne sais pas comment le dire autrement que je suis en colère avec mon cerveau, alors que c'est moi pourtant ! Mais je n'arrive pas à le voir comme tel.

Tu m'as abandonnée, dans une situation qui aurait potentiellement pu être traumatisante, comme on n'en avait pas déjà assez eu, qui aurai pu même nous être fatale, tu m'as abandonnée. Tu t'es barré comme un lâche alors que même quand je vais faire des courses, tu me trouves trois putain de plan d'échappatoire sans que je n'aie à te demander quoi que ce soit. J'avais besoin de toi là, t'étais ou putain !

Tu es restée coincée sur place, tu m'as laissé là-bas, et tu y es toujours, tu bloques sur la situation, tu n'es pas capable de trouver un autre scénario possible comme le fais que ce sont juste deux gars qui font leurs vies, non, tu m'envoies ça encore et tu continues de le faire encore des dizaines d'heures après que ce soit arrivé.

Et maintenant, j'attends que tu décoinces pour que je puisse penser à autres choses que ce scénario monstrueux que tu m'as fait vivre alors que rien ne m'est arrivé. Comment je peux te faire confiance si tu te mets à nous auto-traumatiser...

Je pensais qu'écrire tout ça nous débloquerait.

Je suis toujours coincé, je ne peux toujours pas arrêter d'y penser.

Je suis censés fêter mes un an de coming out en tant que femme trans et je n'ai que ça en tête. Et en soit, ça représente que trop bien mon expérience de femme donc de la façon de la plus tordue possible... ça colle.


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